Les Baladins du Régent - P. Doherty (Frère Athelstan)

Le nouvel opus de la saga de Frère Athelstan vient de paraître, désormais sous la signature "Paul Doherty" : aux oubliettes le pseudonyme "Paul Harding", qui était quand même bien pratique pour savoir tout de suite à quelle série on avait affaire.

Mais rentrons dans le vif du sujet : Londres, 1381. La société secrète des "Hommes Justes" complote contre le pouvoir exercé par le Régent Jean de Gand (il est effectivement de naissance flamande). Ils ont visiblement un espion au plus près du pouvoir, dans la forteresse de la Tour de Londres, mais les hommes du Régent en ont également dans le clan adverse. Attaques, assassinats et massacres vont d'ailleurs se succéder et Frère Athelstan, pris entre deux feux, va devoir éclaircir certaines zones d'ombre et agir avec précaution pour empêcher que sa paroisse, repaire de quelques Hommes Justes, ne paye un lourd tribut quand l'orage se mettra à gronder. Car cruauté et violence semblent également réparties dans les deux camps.

C'est dans ce contexte qu'une attaque a lieu contre des agents du Régent de retour de Gand, escortant une mystérieuse prisonnière qui semble représenter une menace pour le pouvoir en place. L'attaque est repoussée par le Coroner Cranston, mais une partie du chargement est dérobée, qui fera sa réapparition en de bien étranges circonstances.

Après une attaque en représailles d'un repaire d'Hommes Justes où Athelstan, envoyé en médiateur, manquera de périr, celui-ci et Cranston seront invités par le Régent à un banquet avec ses invités flamands, animé par la troupe de baladins du titre : les Plumes-au-Vent ("Strawmen" en V.O., si vous tombez sur un résumé hâtivement traduit de l'anglais). Et là, c'est le drame : deux petites explosions plongent la salle de banquet dans la confusion, au cours de laquelle un des Flamands est tué, un autre blessé, à coups d'arbalète, sans que personne n'ait rien vu. Pas vu non plus celui qui a placé sur un présentoir les deux têtes tranchées qui avaient été dérobées lors de la première attaque. Pas moyen pour le tueur de se cacher à part dans un élément du décor d'où on n'aurait pas pu atteindre les victimes, ni déposer les têtes. Premier crime impossible.

Un autre suivra bientôt, une belle chambre close dans les règles de l'art : la victime, la tête transpercée par un carreau d'arbalète, au centre d'une pièce aux volets fermés, la porte close avec la clé dans la serrure, le guichet de la porte complètement bloqué, collé par le temps et l'humidité, tout comme le cernel (sorte de judas en bois).

D'autres malemorts viendront au fil de l'intrigue, comme si l'ascétique dominicain et son rabelaisien compagnon n'avaient pas déjà leur content d'énigmes... Pour ce qui est des CC/CI, comme d'habitude Doherty ne révolutionne pas le genre, mais les solutions se tiennent parfaitement et sont assez astucieuses. L'intrigue tient en haleine malgré de longs passages où l'auteur se plaît à décrire les bas-fonds londoniens ou les salles obscures de la Tour, et la vie quotidienne des habitants. On peut peut-être regretter qu'au fil des aventures l'auteur ait peu à peu gommé la truculence de Cranston ou des ouailles d'Athelstan, contrepoint comique au sérieux de l'intrigue et à l'atmosphère lourde de menace qui baigne le récit. Après quelques (relatives) déceptions pour ma part (notamment le dernier Corbett), je trouve cette lecture hautement recommandable. Un polar digne de figurer dans tout bon sac de plage cet été !

Comme j'ai toujours préféré les enquêtes de frère Athelstan aux autres séries de romans de Paul Doherty et que ta présentation est alléchante, ce titre va sans doute rejoindre ma pile à lire.