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Hommage à Roland Lacourbe

4 participants

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Hommage à Roland Lacourbe  Empty Hommage à Roland Lacourbe

Message  lionel Dim 29 Aoû 2010 - 9:47

Puis-je vous faire lire cette nouvelle écrite il y a plus de 30 ans lorsque je travaillais à Antenne 2 avec Roland Lacourbe et qu'il me faisait découvrir l'univers des chambres closes ?


MORT EN DIRECT


Quelques millions de téléspectateurs entendirent un coup de feu. Autant d'autres crurent à un raté de voiture dans la rue ou à une porte claquant chez un voisin. Ce n'est pas que les coups de feu étaient rares au journal de 20 heures, mais habituellement c'était dans les reportages en provenance du Moyen-Orient , d'Afrique, ou d'Amérique du Sud, pas lorsqu'on venait d'annoncer le mariage de la troisième fille du Roi de Grèce commenter par Noël Orange. Après quelques secondes d'images muettes, le présentateur annonça qu'un incident technique interrompait la diffusion du sujet, enchaina et le journal se termina normalement.

Normalement à l'antenne, car au studio plus rien n'était normal. Au moment de débuter son commentaire, Noël Orange, dans la cabine speaker, enclencha l'interrupteur du micro qui allait lui permettre encore une fois de subjuguer, émouvoir et amuser le public qu'il connaissait depuis si longtemps lorsque, au lieu de sa voix , surgit du haut-parleur un claquement caractéristique. Tous les regards se dirigèrent d'un coup vers la cabine, et a travers le double vitrage qui la sépare de la régie, virent Noël debout l'air effaré, les yeux au ciel, puis s'effondrant au sol et disparaissant à la vue. Tout se passa alors simultanément, Le journal continua sur sa lancée grâce aux réflexes professionnels des journalistes et techniciens, le chef d'émission responsable du studio téléphona au service médical tout en faisant fermer les portes, toujours par réflexe, tandis que tous ceux qui n'avaient rien d'immédiat à faire se précipitaient vers la cabine. Le premier arrivé fut Christian Bertoux, le prochain à commenter en cabine, le plus proche de la porte au moment de la détonation. Il eut bien du mal à entrer, Noël étant tombé vers l'entrée et sa silhouette éléphantesque, part importante de sa légende, fut l'opposé d'une aide efficace aux secours qu'on lui portait. On vit Christian pousser, pousser, s'introduire à moitié dans la cabine, se lever, se rebaisser dans les efforts qu'il prodiguait pour ôter du passage le corps de Noël . Enfin la porte s'ouvrit tout grand et on se bouscula à l'entrée pour voir. Voir quoi ? A part le corps étendu sur le dos, sans un mouvement, il n'y avait rien à noter de particulier. La cabine speaker, c'est un espace de trois mètres sur deux, un e chaise devant un bureau équipé de deux micros et d'un moniteur de contrôle pour tous meubles, une lourde porte insonorisée et la baie à double vitrage donnant sur la régie pour seules ouvertures, la documentation de Noël comme seul accessoire.
Dès qu'on eut établi que Noël était mort, qu'il avait un petit trou entre deux côtes à la hauteur du cœur et qu'il avait à peine saigné, chacun put quitter la régie après qu'on eût vérifié l'absence d'arme à feu ou autre objet dangereux dans ses poches . Ce fut tout pour ce soir-là.

Personne n'avait encore bien réfléchi à ce qui s'était passé, mais Ronald Lecoin, ingénieur du son, et grand amateur de roman policier, s'en alla grommelant et versifiant : » Dickson Carr et chambre close, y êtes vous pour quelque chose ? »

Le lendemain matin, l'enquête de police commençait. On interrogeait dans un bureau tous les témoins du crime. Crime, c'était sûr ,on avait trouvé une balle de revolver dans le cœur de Noël , mais témoin, c'était faute d'un meilleur terme, car tous étaient unanimes: »Noël était seul dans la cabine,porte fermée,la détonation a retenti, il s'est levé, il est tombé ». La perquisition dans la régie et sa cabine, fermées et gardées depuis le crime ne donnait pas plus de résultats? On trouva de tout, dans les placards, les tiroirs, derrière et même dans les armoires techniques, des bouteilles vides, des journaux vieux d'un jour à cinq ans, des bouts de ferraille d'un centimètre à un mètre, rouillés ou brillants de neuf , des bobines de bande magnétique, des pièces de monnaie, trois cartes de tarot et douze tickets de métro. Mais aucun revolver, et c'est bien ce que cherchaient les enquêteurs.

Dans les couloirs, le drame et sa victime alimentaient toutes les conversations. Noël était depuis toujours une cible importante des ragots sur la télévision, il tenait aujourd'hui son dernier et plus grand succès. De tous les journalistes ce fut le plus grand répétaient ses amis, le plus gros répondaient ceux qui l'étaient moins. Sa légende courait en tous sens : cardiaque et piquant des colères monumentales qui l'empourpraient une heure durant, au régime mais s'empiffrant sans limites de temps à autre, et justement le soir de sa mort, un couscous royal,les bruits s'amplifiaient , un poulet et cinq brochettes d'un coté, presque un gigot de l'autre, trois journalistes comme témoins, sans oublier ses performances à l'antenne, pleurant sur commande aux obsèques de célébrités, ayant rencontré les chefs d'état et marié les altesses, n'interviewant rien de moins que Premier Ministre. Bien sûr, à cause de cela, les jalousies, les grands sujets pour lui, les chiens écrasés aux autres, sa silhouette connue de tout le pays et beaucoup d'anonymes talentueux à la rédaction. Tous ces mots que les policiers écoutaient d'une oreille distraite, passant des régies aux bureaux, fouillant sept étages pour trouver un revolver introuvable, ayant tué à travers les murs, instrument d' un crime vu par douze témoins, entendu par des millions, mais d'un crime sans arme ni assassin.

D'oreilles plus fines que celles de la police, il existe celles des ingénieurs du son, et Ronald Lecoin, l'un des meilleurs, formé à la logique des maîtres du roman policier, possédait déjà la solution. Mais la solution n'est pas tout, il y a un coupable, un homme pas plus antipathique qu'un autre, qu'il faut faire arrêter, en fournissant à la police la solution et les preuves qui l'imposent comme la seule possible. S'y étant résolu, il chercha l'inspecteur qui supervisait l'enquête, lui exposa sa solution et termina par ces mots: »...Si vous retrouvez bien ces restes de poudre, il suffira d'en remettre une en place pour la reconstitution et il ne pourra plus nier. » 


Le soir même, vingt quatre heures après le meurtre, le journal étant diffusé d'un autre studio, l'équipe de la veille était là au complet, chacun à sa place, Noël Orange remplacé par Christian Bertaux en cabine speaker, un inspecteur jouant le rôle de ce dernier, à deux mètres de la porte à l'instant de la détonation. Le journal fictif démarra. Générique, premier « Bonsoir » du présentateur. L'ambiance en régie, ordinairement fiévreuse et détendue à la fois, fut ce soir là glaciale et sinistre, les reportages de la veille repassaient ,chacun son tour, et à mesure que se rapprochait le mariage de la troisième fille du Roi de Grèce, l'air s'alourdissait, le haut-parleur débitant les nouvelles dans un silence total, les regards se tournaient, revenaient, se tournaient à nouveau et se fixèrent ,dès qu'on entendit : »et maintenant Noël Orange va commenter... », en direction de la cabine speaker. Derrière la vitre Christian Bertoux, pâle à l'extrême, tendit la main vers l'interrupteur du micro. Douze personnes entendirent un coup de feu.


« Ce n'était pas un coup de feu , expliquait Ronald Lecoin à quelques amis réunis chez lui deux heures plus tard. Les mystères de chambre close sont en réalité très simples. Le crime se passe avant que la porte soit fermée ou après qu'on l'ait rouverte, ou alors pendant qu'elle est fermée c'est un appareil mécanique ou électrique complexe qui tue, un suicide ou une ouverture dissimulée par ou passe l'assassin. On peut immédiatement éliminer le dernier cas, dans une cabine speaker il n'y a pas de passage secret et on n'y a trouvé aucun appareil bizarre, le premier est aussi absurde, Noël vivait jusqu'à la détonation, tout le monde l'a vu se lever et tomber. Tout ce qui nous reste, c'est un meurtre après l'ouverture de la porte et le seul coupable possible c'est Christian Bertoux, le premier entré et le seul à approcher Noël avant que sa mort fut constatée. Un journaliste envieux, jaloux devant le succès, rancunier de s'être fait voler de bons reportages, c'est courant dans une rédaction, mais un jour, la colère s'accroit, l'occasion se présente et …


Comment il a procédé ? Je ne vous l'ai pas dit ? Rien de bien compliqué ! Une amorce placée dans l'interrupteur du micro qui éclate dès qu'il est enclenché et on l'entend partout, en régie et à l'antenne, bien sûr. Quant à Noël, réellement cardiaque, il sortait d'un repas plus que copieux, et un tel bruit à l'instant de prendre l'antenne ne pouvait que lui occasionner un malaise. Christian, en bonne position près de la porte se précipite, le tire, le pousse, lui plonge dans le cœur une brochette du fameux couscous, avec la même brochette lui enfonce une balle de revolver déjà tirée. Voilà comment , mort poignardé, Noël fut retrouvé avec une balle dans le cœur après que la régie et les téléspectateurs aient entendu un coup de revolver. Christian, après l'explosion de l'amorce que nous avons placé ce soir, il ne lui restait qu'à avouer. La brochette? Elle était au milieu d'autres morceaux de ferraille qui trainaient dans les placards, le mouchoir avec lequel il l'a essuyée, il y avait peu de sang dessus, il est sorti tranquillement avec. On ne cherchait qu'un revolver, hier soir, après tout.


Sans illusions quant au style ou l'intrigue j'espère vous avoir amusé avec ce souvenir des années 70 de Roland et bien sûr ,dans le rôle de la victime, du plus inoubliable journaliste de télévision.
[center]

lionel

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Message  hélène Dim 29 Aoû 2010 - 13:11

Je ne sais pas si Roland Lacourbe a l'intention de construire une nouvelle anthologie mais il y a des talents sur ce forum...

Quant à la règle "avant-pendant-après", il serait amusant de pouvoir la contourner.

hélène
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Message  renato Dim 29 Aoû 2010 - 15:08

Sympathique histoire : Noel Orange = Léon Zitrone, Ronald Lecoin = Roland Lacourbe : Very Happy Very Happy Very Happy
A Hélène : contouner "avant-pendant-après" ? passé, présent, futur : là je ne vois pas d'autres possibiltés ! A part la SF et des univers parallèles ?

renato

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Message  johnwatson Dim 29 Aoû 2010 - 16:06

Pour contourner "Avant/pendant/après", je ne vois que jamais Exclamation
Pas de crime....
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Message  hélène Dim 29 Aoû 2010 - 16:22

pour contourner avant/pendant/après : faire de telle sorte qu'il soit impossible (ou très difficile) de savoir justement si le crime a pu avoir lieu avant, pendant, après. Ce qui amène à s'interroger sur la notion de local clos...

hélène
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Message  renato Dim 29 Aoû 2010 - 16:49

johnwatson a écrit: Pour contourner "Avant/pendant/après", je ne vois que jamais Exclamation
Pas de crime....

S'il n'y a pas de crime, ce n'est plus un roman policier ! Very Happy

renato

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Message  renato Dim 29 Aoû 2010 - 16:51

hélène a écrit:pour contourner avant/pendant/après : faire de telle sorte qu'il soit impossible (ou très difficile) de savoir justement si le crime a pu avoir lieu avant, pendant, après. Ce qui amène à s'interroger sur la notion de local clos...

ou les 3 en même temps ?
Hummm... j'ai dit une bêtise ?
OK je sors !

renato

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Message  johnwatson Dim 29 Aoû 2010 - 17:04

S'il n'y a pas de crime, ce n'est plus un roman policier

Est-il besoin que le crime est réellement eu lieu pour qu'il y ait roman policier Question
Et puis, qu'est-ce-qu'un "roman policier" Question
johnwatson
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Message  hélène Dim 29 Aoû 2010 - 18:13

Et puis, qu'est-ce-qu'un "roman policier"

ça c'est une très bonne question ?

hélène
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Message  renato Dim 29 Aoû 2010 - 18:27

Oups, c'est vrai on peut avoir un très bon roman policier sans le moindre crime. J'ai encore écrit une ânerie.
Désolé.
Un roman policier c'est quoi ? Voilà une question qu'elle est bonne.
Il y a beaucoup de définitions.
On commence la discussion ?
Un meurtre suivi d'une enquête pour trouver le coupable
Après qui a tué, c'est qui va être tué
...
ouh là là, la liste risque d'être trop longue...
Un roman policier c'est un roman publié dans une collection policière, mais pas toujours ! Very Happy Very Happy Very Happy
Allez j'arrête de dire des âneries...
Bonne soirée

renato

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