Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
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Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Ce film est un grand classique du cinéma de mystère anglais. J'ai eu l'occasion de visionner récemment le DVD de la collection Criterion.
Réalisé par Sidney Gilliat en 1946 (mais sorti au début de l'année suivante sur les écrans), il s'agit de l'adaptation du fameux roman de Christianna Brand. Le film met en scène l'inspecteur Cockrill, interprété par Sim (Alastair Sim, pas l'interprète de "où est ma chemise grise" ).
L'action se situe au mois d'août 1944, dans la campagne anglaise. Joseph Higgins, un postier, est victime d'une bombe lâchée par un bombardier V1 et est conduit à l'hôpital local, un manoir élisabéthain réquisitionné pour être transformé en établissement civil de soins. Après avoir prononcé quelques paroles énigmatiques, il est conduit en salle d'opération où il doit être au préalable anesthésié. Mais alors que le protocole semble avoir été scrupuleusement suivi par le personnel soignant, il meurt sans cause apparente. Ensuite, on en apprend plus sur le personnel médical, dont certains membres ont un passé trouble (ainsi, l'anesthésiste s'avère avoir été impliqué dans un cas de mort suspecte similaire quelques années auparavant). Puis l'une des infirmières, Bates, annonce lors d'une soirée dansante qu'Higgins a été assassiné et qu'elle possède la preuve de l'identité du coupable. Mais en allant récupérer celle-ci, elle est à son tour assassinée dans le bloc opératoire. De plus, une boite de pilules toxiques a mystérieusement disparu des étagères. C'est sur ces entrefaites qu'intervient le sémillant inspecteur Cockrill, d'humeur enjouée malgré la crainte des bombardements, qui va enquêter et devra bientôt faire face à une nouvelle tentative d'assassinat.
Le film, très prenant, peut être divisé en deux parties. Dans la première moitié, Cockrill est seulement le narrateur des évènements et on suit un récit de suspense, fort bien mis en scène, avec (particulièrement dans les premières minutes) beaucoup de petits indices permettant au spectateur perspicace de résoudre le mystère. Les personnages et leurs relations parfois difficiles sont présentées longuement, la distribution étant de bonne tenue. Il y a également dans cette partie de la misdirection, mais tous les éléments du problème sont fournis avant même l'apparition de l'inspecteur.
La seconde partie, où Alastair Sim est présent à l'écran, voit le film évoluer vers un whodunit dans la tradition anglaise. L'excentricité et les réparties de Cockrill apportent une bonne dose d'humour au récit, plus vif et émaillé de rebondissements. L'interprétation très vivante de Sim confère plus de dynamisme à l'histoire, qui s'achèvera par un guet-apens tendu au criminel et par la révélation des tenants et aboutissants de l'affaire devant la galerie des suspects. La résolution n'est certes pas très complexe ni spectaculaire, mais concoctée très soigneusement.
On notera également que l'enquête de l'inspecteur fut loin d'être parfaite, celui-ci ayant eu la possibilité de démasquer le meurtrier bien plus tôt. De plus, il commet à la fin une erreur qui aurait pu se révéler fatale. Il n'est donc pas un limier omniscient, caractéristique déjà présente dans le roman et qui tend à humaniser le personnage.
Au final, il s'agit d'un bon film de détection qui en outre restitue de façon convainquante l'atmosphère troublée des derniers mois de la seconde guerre mondiale. Je l'ai d'ailleurs préféré au roman du fait d'un humour bien plus présent et de la prestation de l'acteur principal.
Comme de coutume avec Criterion, l'image est de qualité impeccable pour un film aussi ancien. Le DVD propose également quelques bonus très informatifs. Une interview de l'historien du cinéma Geoff Brown revient sur la carrière du réalisateur et des producteurs du film. On apprend ainsi que ceux-ci avaient déjà à l'époque à leur actif quelques films de suspense et aussi que Sidney Gilliat fut le scénariste d'un des premiers succès d'Hitchcock, The Lady Vanishes, daté de 1938.
Le principal bonus est cependant une piste de commentaire du film, où un autre historien du septième art, Bruce Eder, donne de nombreux détails sur cette production. Ainsi, on découvre que ce fut le premier film tourné dans les studios Pinewood après la guerre, pendant laquelle de nombreux films de propagande y furent créés. Les scènes en extérieur furent réalisées dans l'enceinte des studios et, en raison de l'exiguité des lieux, la réalisation eut recours à des truquages pour les faire paraître plus vastes (par exemple, effets de trompe-l'oeil grâce à la présence de plantes naines en arrière-plan).
L'historien revient aussi en détail sur la carrière des différents acteurs et sur l'histoire des studios anglais, passages pouvant sembler fastidieux mais qui intéresseront les cinéphiles pointilleux.
Les différences entre le film et le roman sont aussi pointées: si certains passages évoquant la souffrance des patients ont été édulcorés, la personnalité de Cockrill acquiert plus d'épaisseur et de malice dans le long métrage. Si dans le livre l'action se déroulait lors du Blitz, elle fut déplacée dans le film en août 1944, période d'une vague de bombardement allemands depuis la France, encore bien présente dans les mémoires des sujets britanniques et bien moins exploitée dans la fiction cinématographique de l'époque. Il fallut également faire face à une certaine censure des autorités: interdiction de montrer à l'écran des opérations chirurgicales et obligation de présenter un hôpital accueillant uniquement des victimes civiles. L'ensemble du commentaire est donc une mine d'informations, particulièrement dans sa première moitié.
Au final, une édition tardive (2007) mais très bien conçue d'un vieux classique britannique ayant permis à Alastair Sim de connaître une certaine notoriété, que l'on regrette de ne trouver qu'en import, aucune version française n'étant proposée à ce jour (comme c'est le cas pour bien d'autres perles du cinéma d'outre-Manche).
Gregory- Admin
- Messages : 688
Date d'inscription : 01/09/2010
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Le film est sorti chez nous sous le titre "La couleur qui tue". Il est sorti en VHS dans les années 90 mais pour ce qui est d'une éventuelle édition DVD, je pense que nous pouvons effectivement nous brosser, le cinéma britannique n'étant guère populaire chez nous... et c'est bien dommage.
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Merci pour cette précision.
Je plussoie pour dire que le cinéma britannique n'est pas assez diffusé dans notre pays. Arte a bien programmé un cycle consacré aux comédies anglaises il y a quelques années (comprenant de grands classiques comme Tueurs de dames, Noblesse oblige) mais ce genre d'initiative, tout comme les éditions en DVD, est bien trop rare (même si le cinéma récent de tendance réaliste a obtenu un certain succès en France: l’œuvre de Ken Loach, des films comme Fish Tank ou This is England...).
Je plussoie pour dire que le cinéma britannique n'est pas assez diffusé dans notre pays. Arte a bien programmé un cycle consacré aux comédies anglaises il y a quelques années (comprenant de grands classiques comme Tueurs de dames, Noblesse oblige) mais ce genre d'initiative, tout comme les éditions en DVD, est bien trop rare (même si le cinéma récent de tendance réaliste a obtenu un certain succès en France: l’œuvre de Ken Loach, des films comme Fish Tank ou This is England...).
Gregory- Admin
- Messages : 688
Date d'inscription : 01/09/2010
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Si cela peut vous rassurer, le cinema classique britannique n'est pas non plus assez diffuse... en Angleterre ! Sur l'offre gratuite de la TNT en tous cas... A titre d'exemple, je n'ai guere du voir sur la BBC que quatre films des productions Hammer en quatre ans. Les films anglais recents sont bien evidemment plus largement representes, mais les rediffusions multiples appauvrissent considerablement les grilles de programmation. Je ne pense pas que vous y perdiez au change avec Arte.Gregory a écrit:Merci pour cette précision. Je plussoie pour dire que le cinéma britannique n'est pas assez diffusé dans notre pays.
Pour en revenir a Green for danger, j'ai justement achete le livre recemment et je me retrouve face a l'eternel dilemme : par quoi vaut-il mieux commencer, le livre ou le film ?
Mister Y- Messages : 278
Date d'inscription : 19/03/2011
Localisation : Londres
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Je suggèrerais plutôt de commencer par le roman (comme c'est l’œuvre originale). Il y a moins d'humour que dans le film et cet aspect peut décevoir un lecteur ayant visionné au préalable le long métrage (mais c'est quand même un bon roman policier, bien que peut-être pas aussi marquant que Tour de force du même auteur). Enfin, c'est toi qui voit...
Gregory- Admin
- Messages : 688
Date d'inscription : 01/09/2010
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Merci pour cet avis. Je vais donc commencer par le livre. Et puis ca tombe bien puisque je l'ai deja . Pas lu les autres roman de Christianna Brand (ce sera mon premier) donc pas de point de comparaison pour moi actuellemment.
Mister Y- Messages : 278
Date d'inscription : 19/03/2011
Localisation : Londres
Re: Green for Danger (film de 1946, édition Criterion)
Le livre et le film sont excellents, mais à mon avis, le livre est meilleur. Le film a introduit un aspect comique et beaucoup de l’énigme était simplifié. Ceci marche excellemment sur l’écran, mais le livre a une richesse que le film n’a pas pu reproduire dans cet aspect.
Christianna Brand semble avoir été inspirée du film dans son livre « Tour de Force » dans lequel elle a supposément introduit un aspect comique semblable au film. (J’ai le livre, mais je ne l’ai pas encore lu.)
Patrick
Christianna Brand semble avoir été inspirée du film dans son livre « Tour de Force » dans lequel elle a supposément introduit un aspect comique semblable au film. (J’ai le livre, mais je ne l’ai pas encore lu.)
Patrick
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